Entreprendre pour Exister…
L’histoire récente des sociétés occidentales aura été marquée par l’effervescence et la combativité du mouvement féministe reconnu pour son engagement dans la lutte pour l’égalité et la reconnaissance des droits fondamentaux des femmes dans la sphère tant publique que domestique. Fortes de la détermination et de la vigilance de leurs porte-parole féministes, de plus en plus de femmes ont réussi à affirmer leur individualité, à instaurer des relations conjugales plus égalitaires, à intégrer le marché du travail, en somme â devenir le sujet de leur propre vie. Ces progrès réalisés au sein des anciennes chasses gardées masculines n’ont cependant pas réussi à endiguer les situations de pauvreté et de violence vécues au quotidien par les femmes, pas plus d’ailleurs qu’ils n’ont permis à celles-ci de définir leur identité hors de la conjugalité et de mettre un terme à l’inégale division du travail dans la famille.
En Afrique, les femmes ont toujours été défavorisées par les politiques d’alphabétisation et cela jusqu’à une période très récente.
Cette situation a constitué pendant longtemps un handicap les empêchant ainsi de prétendre à certains types de travaux et les confinant à quelque activité de survie hors ou dans le cadre familial comme par exemple l’artisanat alimentaire, secteur qui n’exige pas d’habiletés supplémentaires à celles acquises au cours du processus de socialisation. Cette discrimination a été encouragée par le mode de socialisation qui s’établit dès l’enfance à travers les mécanismes de sanctions, de punitions et de récompenses par lesquels chaque individu apprend à se conformer aux normes sociales c’est-à-dire à modeler ses comportements en fonction des attentes de son environnement social. Pour combler ces attentes, la femme est demeurée dans son foyer, près de sa famille pour s’occuper des besoins domestiques. Face au nombre de plus en plus élevé de ces besoins qui sont loin de correspondre aux moyens des maris, les femmes ont pris leurs initiatives propres pour sortir de la dépendance. Leur marginalisation par rapport aux grands projets de développement de leurs pays et le manque de prise en compte de leurs besoins spécifiques les ont incitées à développer des structures ou associations sous diverses formes. Les femmes africaines ont décidé d’entreprendre.
La femme entrepreneure africaine recherche l’épanouissement personnel, l’autonomie financière et la maîtrise de son existence grâce au démarrage et à la gestion de sa propre entreprise.
En fait, dans un contexte de globalisation, l’entrepreneuriat féminin s’assimile de plus en plus quasi automatiquement à un entrepreneuriat de nécessité motivé par l’obligation de créer son entreprise pour sortir de la précarité et de la pauvreté. Ainsi, l’entrepreneuriat de survie occupe une place centrale dans toutes les sociétés africaines. Il suffit de se promener dans les marchés et espaces publics africains pour s’en convaincre. Cette dichotomie pauvreté /entrepreneuriat concentre toutes les réflexions.
« Dans la grande majorité des cas, particulièrement dans les régions est, ouest et centre de l’Afrique entreprendre ne relève pas d’un souhait. Entreprendre est une question de survie. »
Yasmine Bennani, PwC Maroc
Pour de nombreuses femmes qui vivent dans des pays durement impactés par une instabilité géopolitique, la pauvreté, un niveau d’éducation faible, un accès au marché de l’emploi compliqué, des différences socio-culturelles clivantes et des relations hommes-femmes inégalitaires, créer son entreprise est une manière de prendre son destin en main.
L’Afrique est en avance sur le reste du monde en ce qui concerne le nombre de femme entrepreneurs
Sur le continent les femmes sont en effet davantage susceptibles de devenir entrepreneur que les hommes. Les initiatives d’entreprenariat féminin sont actuellement plus nombreuses en Afrique que dans le monde. L’objectif de créer une activité à but lucratif pour permettre de subvenir aux besoins de la famille a fait de bon nombre de femmes africaines des entrepreneurs dans l’âme. Si les femmes jadis entreprenaient par nécessité, elles sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à se lancer par envie et par détermination en alliant modernisme et respect des traditions. Quand on revient aux origines de l’entreprenariat africain, ce qui vient à l’esprit, ce sont les femmes et les mères qui vendent des produits alimentaires sur les étals des marchés. Au fil du temps, a émergé une génération d’entrepreneures jeunes qui cassent les codes et réussissent dans des secteurs traditionnellement réservés aux hommes.
Le numérique, un monde des possibilités…
S’il y a un domaine que le numérique bouleverse, c’est bien la création d’entreprise. Les nouveaux outils apportent une nouvelle façon d’entreprendre, plus légère, plus coopérative, plus ouverte sur le monde et plus créative autant dans les produits et services proposés que dans l’organisation du travail.
Le digital permet aux femmes entrepreneures de sortir des sentiers battus et de créer une entreprise qui correspond à leurs valeurs et leurs envies.
Le numérique a ouvert un champ des possibles. Jamais il n’a été aussi facile d’entreprendre pour les femmes que dans le numérique car cela nécessite peu d’investissement, une structure légère qui peut se transformer en entreprise dotée d’un fort potentiel de croissance. Une bonne idée peut donner une belle Start-up. Le numérique a ouvert les vannes de l’entreprenariat pour qui a l’audace de s’y lancer. La création du statut d’auto-entrepreneur, par son côté souple et peu taxé, a permis le développement d’une large frange de travailleurs féminin indépendants. Bien souvent, elles n’ont besoin que d’un coin de bureau et d’un ordinateur pour réaliser leur prestation. Le phénomène s’est accéléré avec la crise sanitaire et économique, le digital est devenu une grande opportunité pour se réinventer, créer un travail épanouissant et jouir davantage de liberté. Les opportunités sont innombrables dans divers domaines : voyages, santé, sport, e-commerce, développement personnel, etc. De plus en plus de femmes transforment leur passion en business rentable. Grâce au digital toutes les femmes qui souhaitent créer une entreprise peuvent le faire et ce peu importe leurs éducations, leurs diplômes, leurs expériences ou leur compte en banque.
Une évolution des mentalités…l’envie d’entreprendre
n’a plus de genre
Les femmes sont de plus en plus décomplexées vis à vis de l’idée d’entreprendre. Les femmes créent de plus en plus d’entreprises, et en créeront encore davantage à l’avenir. Aujourd’hui, très peu de différences s’observent concernant l’envie d’entreprendre selon le genre autant d’hommes que de femmes souhaiteraient créer leur propre entreprise. Cette tendance de fond de la féminisation de l’entrepreneuriat n’est d’ailleurs pas prête à s’arrêter, voire s’accélèrerait.
La mutation profonde de l’entrepreneuriat est portée certes par l’évolution des mentalités, mais surtout par certaines mutations économiques. Parmi celles-ci, le digital apparaît comme un formidable accélérateur de la féminisation de l’entrepreneuriat et comme dans tous les secteurs y compris celui du digital, la parité est importante : les femmes apportent un regard complémentaire à celui des hommes.
Les freins d’hier sont devenus les motivations d’aujourd’hui. Au premier rang de leurs motivations pour créer leur entreprise, les femmes qui aspirent à l’entrepreneuriat souhaitent également une vie plus libre et une meilleure reconnaissance au quotidien. Ainsi créer son entreprise signifie pour ces femmes entrepreneures un moyen de rechercher la liberté et l’indépendance, de s’épanouir personnellement et de pouvoir organiser à volonté son temps de travail.
Autant de motivations essentielles qu’elles partagent sans complexes avec la gent masculine et qui permettent une meilleure compréhension de l’entrepreneuriat féminin, puisque les logiques anciennes s’inversent : hier considérés comme des freins à l’entrepreneuriat féminin, la volonté de concilier famille et projet professionnel, où la quête de liberté et d’indépendance, sont aujourd’hui des éléments moteurs pour la création d’entreprise.
En Afrique, se développe un nouveau style d’entrepreneuriat porté par les femmes, qui allie les traditions locales et les réalités du monde socio-économique. Car le continent africain a une très grande particularité : il concentre une importante population de jeunes qui se modernisent tout en restant attachés à des cultures locales très fortes. La culture africaine, riche et diverse, se déploie dans leurs modèles de business ou encore dans le choix des noms de leurs entreprises sur la toile, que ce soit dans l’agroalimentaire, l’artisanat ou dans d’autres domaines. Cette exception est une promesse d’attractivité pour le continent. C’est pourquoi il est si important que cette nouvelle génération de femmes entrepreneures conserve des traditions qui font la marque et l’intérêt du continent pour les investisseurs.
Le digital, un formidable accélérateur de l’entrepreneuriat des femmes.
« Internet pourrait contribuer au PIB annuel du continent africain à hauteur de 300 milliards de dollars d’ici 2025, tandis que 67 millions de smartphones circulent déjà dans les mains d’une population extrêmement jeune. »
Cabinet Conseil Mackinsey
Le développement économique de chaque pays passe nécessairement par l’intégration de la femme en tant qu’acteur économique à part entière. L’Afrique est le continent de demain et le digital a su ouvrir de belles portes pour accélérer sa transformation. Cependant l’entrepreneuriat féminin en Afrique, considéré comme étant un véritable moteur de croissance, d’emploi, d’innovation et de richesse semble souffrir encore de nombreux clivages et freins entravant sa pleine montée et son expansion. Face à cette situation, le digital apparaît comme un formidable accélérateur de ce mouvement. Il s’agit là d’un levier qui offre aux femmes de nouvelles opportunités pour entreprendre, avec des possibilités de développement infinies innovants, de la créativité et de l’innovation, du relationnel mais également de la flexibilité.
Plusieurs entrepreneures opèrent aujourd’hui dans le numérique et se définissent comme étant la jeune génération qui cherche à saisir les opportunités qui s’offrent eux pour repenser une autre Afrique. Malgré les difficultés liées au coût et à la qualité de la connexion Internet sur le continent, le numérique offre de vastes opportunités d’affaires. Internet et le mobile ont clairement bouleversé la donne sur le continent africain et notamment dans les domaines de l’entrepreneuriat. Les nouvelles technologies ont ouvert des champs d’action très prometteurs pour les femmes. Que ce soit dans les secteurs de l’éducation, des finances, de la santé, du commerce ou des médias, les femmes n’hésitent plus à surfer sur la Toile. Ce levier de développement a permis de former des réseaux de femmes capables d’en conseiller, et surtout d’en inspirer d’autres. Le Women In Africa (WIA) ou WETECH Africa (Women in Entrepreneurship and Technology) font partie de ces réseaux qui promeuvent et financent des projets, souvent à fort impact économique et social et portés par des femmes.
L’accès au financement est un des freins majeurs pour les femmes qui se lancent dans la création d’entreprises.
L’entrepreneuriat féminin a en effet longtemps été considéré en Afrique comme un entrepreneuriat de subsistance, suscitant peu d’intérêt pour les investisseurs et les bailleurs. De plus, les femmes sont encore nombreuses à ne pas détenir un compte bancaire au profit d’une épargne personnelle : leur taux de bancarisation est ainsi très loin derrière celui des hommes. L’accès à l’information est aussi plus difficile pour elles et apparaît comme un véritable facteur d’inégalité.
Cependant, avec l’évolution des nouvelles technologies et l’éclosion de cette nouvelle génération d’entrepreneures africaines 2.0, de plus en plus de programmes d’accompagnement, de formation ou encore de soutien voient le jour. Une aide précieuse pour que les femmes puissent entreprendre et développer leur leadership. Beaucoup de ces programmes ciblent les pays où on trouve la majorité des femmes qui entreprennent dans l’informel et ont besoin d’un accompagnement lors du développement de leur concept. Mais ces offres ne sont pas toujours adaptées aux besoins de leurs public cible.
La microfinance est un levier stratégique non négligeable pour de nombreux organismes financiers et bancaires qui ciblent les femmes créatrices de richesse et de valeurs sur le continent. Et si, auparavant, les femmes entreprenaient par nécessité, aujourd’hui elles sont de plus en plus nombreuses à entreprendre par envie et par choix. Un phénomène qui encourage davantage les organismes de financement et les programmes d’accompagnement à investir dans les projets qu’elles mènent.
En Afrique, l’entrepreneuriat féminin est certes l’un des plus importants au monde, mais il existe dans le même temps une immense inégalité entre les sexes en ce qui concerne l’accès aux technologies. Les inégalités dans l’accès à l’éducation, le taux d’illettrisme féminin, le faible pouvoir d’achat des femmes face aux coûts d’accès aux données ou encore les normes culturelles et sociales conservatrices, sont autant de facteurs qui font que le nombre de femmes menant une carrière dans le secteur des nouvelles technologies ou créant des « startups » est largement inférieur à celui des hommes. Pour que les femmes participent pleinement à la création de richesse, il est impératif de créer les conditions pour qu’elles puissent accéder aux technologies et pour qu’elles soient en capacité de développer les innovations qui impacteront positivement le quotidien des communautés. Aujourd’hui le plus grand danger pour elles serait qu’elles restent tenues à l’écart de la société de l’information.
Pour que l’entrepreneuriat féminin en Afrique se conjugue de plus en plus avec les nouvelles technologies, il est nécessaire que les efforts menés ces dix dernières années pour donner un accès à une éducation basique de qualité aux femmes soient poursuivis et renforcés par l’apprentissage des technologies de l’information. Un des meilleurs exemples pour illustrer cette démarche est le programme AkiraChix qui est basé au Kenya et qui est soutenu par Google. L’ambition de l’équipe d’Akirachix est d’initier les femmes au design de service et au code informatique. Le vocabulaire des femmes formées par AkiraChix a évolué afin de remplacer des termes comme « micro-crédit » par « levée de fonds ». En créant leurs applications et startups, elles ambitionnent d’être des actrices majeures de la transformation digitale de leurs pays. Il est également important que ces initiatives soient aujourd’hui largement diffusées et que des figures féminines puissent inspirer de nouvelles générations de femmes.
Sources :
- Roland Berger, Women in Africa Philanthropy, Entrepreneurship study, « Accélérer la dynamique entrepreneuriale des femmes en Afrique », 2020
- Simen, S., Diouf. I. « Entreprenariat féminin au Sénégal : vers un modèle entrepreneurial de nécessité dans les pays en développement ? », 2018
- Simen S., Diouf. I. « Importance des réseaux de relations personnelles dans le processus de création d’entreprise : le cas des femmes-entrepreneures au Sénégal », 2014
- Thierry Barbaut –En Afrique, le numérique en levier de l’entrepreneuriat pour les femmes, 2019
1 Comment
Reva
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